Comment désamorcer une situation de tension par une communication adaptée ?

Par Laurence PLANÇON, consultante associée, coach, médiatrice

Communiquer positivement lors d’un échange est la base de la relation à l’autre. Lors de situations d’oppositions marquées, de conflits latents ou déclarés, communiquer peut devenir déjà moins aisé… Selon votre niveau d’implication dans la situation, selon votre histoire et vos croyances de ce que le conflit peut générer, selon votre stratégie individuelle ancrée pour “vous sortir” d’une telle situation, vous mettrez en oeuvre une communication plus ou moins adaptée à la résolution du problème.

Préalables pour faire face à une situation de tension

Avant de vous donner quelques conseils pratiques à respecter lors de l’échange (spontané ou programmé), je vous invite à observer ces quelques préalables…

Vous ne pouvez vous empêcher de communiquer ! Votre langage non-verbal (gestuelle, postures du corps, regards, mimiques, intonation, volume et débit de la voix, respiration) trahit vos émotions et véhicule vos états internes… Il y a donc une traduction immédiate de votre ressenti dans la situation de tension et de votre motivation à échanger avec votre interlocuteur. Il vaut donc mieux, lorsque vous sentez que votre état émotionnel n’est pas favorable à l’échange et à la rationalité des propos, reporter la rencontre.

Une condition cependant : verbalisez ce choix en explicitant à l’autre la nécessité de prendre du recul afin d’aborder plus sereinement le désaccord (acte de valorisation de la recherche de solution). Ne pas donner le sens de ce report de traitement de la situation peut donner l’occasion, à votre interlocuteur, de penser que vous fuyez l’échange (ou plutôt sa réaction…). Votre “digestion” ainsi faite, vous permettra de cerner le problème plus factuellement et vous aidera à accepter plus facilement une zone de négociation éventuelle, dans la mesure où elle optimise les chances d’aboutir à un compromis suffisamment réaliste pour chacun des protagonistes.

  • Vérifiez la volonté des personnes opposées à chercher, ensemble, la solution au problème ou, à minima, des pistes d’amélioration de la situation. Quelques questions à vous poser :
  1. “Avons-nous le même enjeu à ce que la situation trouve une issue favorable ?” (il est parfois plus bénéfique pour certains à ce que la situation stagne, se dégrade davantage, voire se pourrisse… stratégie individuelle du court terme, calculée ou inconsciente)
  2. “Suis-je capable et ai-je envie de me centrer sur le problème et non pas sur le responsable du problème ! Sommes-nous dans la même démarche ?
  3. “Est-ce que chacun est prêt à se centrer sur la vision de l’autre ?” (cela ne peut se faire que dans la mesure où chacun lâche prise avec sa volonté que l’autre le reconnaisse dans sa situation ; ce besoin de reconnaissance est étroitement lié avec le niveau d’estime de soi)
  4. “Y-a-t-il une relation de confiance établie ou du moins amorcée ?” (cela impacte non seulement le niveau de compréhension et d’acceptation des propos de l’autre, mais également la perception d’une relation gagnant/gagnant dans la résolution du désaccord)
  • Cernez les objectifs de chacun dans la situation : ils peuvent être différents et situent la proportion de l’enjeu individuel à atteindre une voie de sortie. Il n’est pas toujours aisé de les identifier précisément, tout dépend du contexte de la situation (historique éventuel du désaccord, niveau d’explicitation au moment du rapport conflictuel). La connaissance mutuelle des objectifs de chacun permet évidemment de se préparer au mieux à la rencontre (construction du message, zone de négociation, périmètre du sujet, anticipation des objections, etc…).
  • Estimez au plus juste le temps nécessaire à la rencontre. Donnez une véritable place à ces moments d’échanges, même difficiles. Cela dénote votre niveau d’assertivité lors de situations relationnelles moins favorables. Notez, également, que plus vous pourrez installer le processus de résolution du désaccord dans un laps de temps large, plus vous vous donnerez les chances d’aboutir.
  • Acceptez que tout ne peut pas toujours être traité au cours d’un même entretien ou réunion. Le processus de mise à plat de la nature de l’opposition ou du conflit peut avoir ses surprises… Même en vous préparant, vous ne pourrez tout anticiper, ni même prévoir toutes vos réactions selon la posture de l’autre ! Votre capacité à improviser selon le déroulement de l’échange est un atout ! Préparez-vous à sortir de votre trame préparatoire si cela est plus favorable à la situation (blocage dans le dialogue, informations reçues imprévues, surcharge émotionnelle, demande de négociation non anticipée, etc…).
  • Ecoutez votre “forme psychologique” ! N’hésitez pas à surseoir la rencontre si vous sentez que vous serez incapable d’être réellement centré sur l’autre (problème personnel ou professionnel, impondérable, fatigue, stress, etc…) : ce qui ne vous est pas favorable ne l’est pas non plus pour l’autre et donc ni pour la résolution de l’opposition ou du conflit ! En lien avec le premier point exposé, votre indisponibilité psychologique se traduira directement : forme d’impatience, perte d’écoute, temps d’échange et investigation des informations réduits, pression renvoyée à l’autre, etc…

Ces conditions préalables, idéalement réunies, permettent d’installer un environnement relationnel propice à la résolution de l’opposition. Elles ne sont, bien entendu, pas toujours respectées, cela n’empêche en rien l’échange mais cela ne le facilitera pas !

Que doit permettre, de par sa forme, l’entretien dédié à la résolution de l’opposition ?

  • que chacun ressente un intérêt de l’autre à son “histoire”
  • que tout peut se dire, sans jugement de l’autre, ni ironie ou mise en dérision
  • que les temps de parole soient équitables durant l’échange
  • qu’une ouverture du périmètre de l’échange soit possible, si elle reste en lien avec l’objectif central
  • que la relation proposée à l’autre soit respectueuse
  • qu’il y ait une acceptation de l’expression des émotions de l’autre, tout en restant dans le cadre des règles d’échanges définies

Les 10 conseils clés

Voici 10 conseils clés qui assurent une communication adaptée lors de situation de tension ou de conflit. Amusez-vous à vérifier que vous les respectez ou non…

  1. Je propose un cadre d’échange qui délimite le périmètre de l’acceptable… et j’y fais référence lorsqu’il n’est plus respecté
  • Je fais part de l’attente que j’aie en matière de mode d’échange pour assurer une relation visant à satisfaire et à respecter chacun
  1. Je privilégie les questions ouvertes
  • Je n’enferme pas l’autre dans mes questions et lui donne l’occasion d’approfondir l’échange en explicitant ses idées, ses arguments, etc…
  • Je l’invite à faire part de sa vision de la situation et à ne pas le contraindre à écouter uniquement la mienne
  1. J’utilise la reformulation régulièrement
  • Je m’assure que je comprends bien ce qu’il me dit et que je n’y mets pas de processus interprétatif (représentations personnelles)
  • Je permets de construire l’échange, par étape, en proposant notamment des synthèses intermédiaires (validation de chaque point)
  • Je rebondis sur des mots forts, des réflexions touchant les points sensibles pour aller plus loin dans les propos énoncés
  • En traduisant ce que je comprends, je lui permets de recadrer et de préciser, si nécessaire, par le simple fait de lui renvoyer son message
  1. Je suis vigilant sur les distorsions du message qui peuvent être envoyées réciproquement
  • J’évite de généraliser, de supposer par déduction personnelle (croyances), de renvoyer mes règles qui peuvent être limitantes pour l’autre, je ne juge pas et je repère l’autre dans son niveau de distorsion éventuelle (indicateur émotionnel)
  • Je dois rester centrer sur les faits, je ne me laisse pas envahir par les émotions de mon interlocuteur (rester productif !)
  1. Je respecte l’autre
  • J’accepte ses silences, ses temps de réflexion, j’en profite pour l’observer et l’aider à approfondir si besoin (est-ce utile pour servir notre objectif commun ?). Je n’en profite pas pour l’asséner de questions !
  • Je ne minimise pas les propos de l’autre, je ne dévalorise pas sa perception de la situation même si elle me semble incongrue, exagérée, etc…
  • Je m’engage moralement dans ce qui est dit et acté ensemble, et je peux aussi rappeler à l’autre son propre engagement : enjeu réciproque
  • J’accepte de mettre un terme à l’entretien si l’autre le souhaite afin de prendre du recul dans la situation (sous condition de préciser les conditions de report pour finaliser la résolution du problème)
  1. J’observe mon interlocuteur à des fins de meilleure compréhension et d’adaptation
  • Je décrypte son langage non-verbal qui me donne des indications sur ses états internes (Est-il à l’écoute, intéressé ? Est-il en retrait, en observation et analyse ? Est-il en difficulté, en refus, en opposition ? etc…)
  • Je vérifie si nous sommes en synchronisation (posture du corps, gestuelle, ton de la voix) et je m’adapte (Je change de posture ? J’ouvre ma gestuelle ? Je baisse le ton de ma voix ?) dans le but de mieux fonctionner ensemble
  • Je peux lui préciser mon interrogation sur ce que j’observe, sans l’agresser, sans le faire culpabiliser, mais simplement pour vérifier que nous sommes toujours capables de continuer l’échange en servant l’objectif commun
  • Je suis capable de me remettre en cause si je sens que ma propre attitude perturbe l’autre
  1. J’accepte de négocier selon l’état des lieux de la situation
  • Je montre ma réelle volonté d’aboutir à un accord et de préserver la relation
  • Je fais expliciter la demande de négociation (raison d’être, objectifs)
  • Je vérifie que les éléments de la demande de négociation sont réalistes, hiérarchisés et en rapport direct avec la situation
  • Je propose des contreparties éventuelles : principe de coopération
  • Je ne m’engage pas sur les éléments négociés sans être certain de pouvoir les tenir (la négociation n’est pas un outil de paix sociale !)
  • Je propose d’acter les éléments négociés (engagement moral)
  1. Je sais faire appel à un médiateur si nécessaire, légitimé par les parties opposées
  • Je permets l’intervention d’un tiers au bénéfice de la résolution de la difficulté lors d’une impasse commune à trouver au moins un compromis, et également lors de tension relationnelle forte empêchant tout avancement
  • Je vérifie qu’il est neutre, indépendant et impartial et je m’assure qu’il soit capable de réguler les tensions, de mener les « débats », de recentrer vers l’objectif commun, de donner la parole à chacun de manière équitable, de faire verbaliser sans intervenir sur le fond mais uniquement la forme
  1. Je conclue positivement l’entretien
  • Quelque soit le déroulé de l’échange, je termine par une note positive en remerciant mon interlocuteur (cela engage la prochaine mise en relation avec mon interlocuteur et montre mon intérêt à me centrer sur le fond du problème)
  • Je propose une formalisation des points actés ensemble et, en accord avec mon interlocuteur, je les traduis par un plan d’actions (Quoi ? Qui ? Quand ? Comment ? Moyens ? Indicateurs ?)
  1. Je fais une analyse à chaud de l’entretien et de sa consistance et je trace les éléments
  • J’évalue ma capacité à maîtriser mes émotions selon les attitudes, argumentations renvoyées par l’autre (niveau d’assertivité)
  • Je note les points qui ont été plus difficiles pour moi à argumenter, à résoudre, à comprendre, à faire face, et j’en cherche le sens (à quoi cela est relié ?)
  • Je situe le niveau d’évolution de la résolution de l’opposition (faits précis observés, actés)
  • Je trace le plan d’actions validé ensemble, dans un document que je communique à mon interlocuteur
  • Je note les poins sur lesquels je dois progresser (structure du message, forme du langage, postures, gestion des objections, niveau d’écoute et de reformulation, etc…)

Le mot de la fin : vous communiquerez d’autant plus positivement que vous aurez une vision positive de l’opposition ! Un conflit est un appel à un nouvel équilibre…

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