Par Laurence PLANÇON, consultante associée, coach, médiatrice
Tout d’abord, définissons ce qu’est une personne assertive…
L’assertivité (du verbe anglais “to assert”) est la capacité d’une personne à s’affirmer avec sérénité. à prétendre une idée, à donner son opinion, à adresser une opposition, à faire part de ses sentiments, à défendre ses droits et à dire”non” tout simplement. Notion importante, l’affirmation de soi doit se faire toujours dans le respect de l’autre, sans volonté de le dévaloriser ou de prendre de l’ascendant sur lui. Nul besoin d’être directif ou agressif pour être assertif…
La personne assertive…
- affirme donc ce qu’elle souhaite pour elle-même, ce qu’elle pense, ce qu’elle fait, sans craindre le “jugement” de l’autre, même si ce sur quoi elle s’affirme peut sembler impopulaire et la mettre “hors champ social”. Elle se sent pleinement responsable de ses actes, de ses idées, le “JE” la caractérise très bien, être authentique est son adage !
- a une capacité à accepter les idées contraires, les objections, les critiques, sans que cela vienne la déstabiliser. Elle accepte ces “contre-attaques” comme une remise en question constructive et une ouverture à un monde différent du sien. Se tromper ne lui génère pas de frustration forte, de déception difficile à digérer, mais au contraire, stimule son autoanalyse à comprendre ses manquements, ses erreurs, de façon à renforcer sa connaissance de soi et s’armer, par anticipation, aux situations futures.
- traite sans remettre au lendemain (procrastination) une discussion désagréable, une situation difficile à gérer (tension avec un tiers, entretien de médiation, de recadrage, réunion “prometteuse” sur le plan des objections, etc…). Se mettre en action pour résoudre la situation est une marque de responsabilisation et de valorisation de la situation. La personne assertive n’aura aucune difficulté à reporter la situation à gérer, si elle considère que ce n’est pas le bon moment et/ou qu’elle ne possède pas tous les éléments factuels pour traiter le problème ; pour elle surseoir n’est pas abandonner et ne lui renvoie pas de sentiment de culpabilité, car elle peut rationnellement expliciter sa décision de report (à elle-même et aux autres).
On ne devient pas assertif par enchantement, on construit son assertivité : oui mais comment ?
L’ensemble de nos expériences, apprentissages, de notre naissance à l’âge que nous avons aujourd’hui se mémorise sous forme de croyances, de modes de fonctionnement, d’ancrages sensoriels et émotionnels.
Tout cela constitue notre schéma cognitif (synthèse de ce que nous retenons de nos comportements, de nos attitudes, de nos stratégies individuelles, de nos croyances et opinions). Il fait partie de notre particularité identitaire et explique nos représentations des situations rencontrées ou projetées, nouvelles ou déjà expérimentées. Nous faisons alors une évaluation interprétative des évènements, des contextes, des comportements observés, etc…
Notre perception des situations (“ce que je fais/dis” ou “ce que fait/dit l’autre”), à travers notre schéma cognitif, génère ce que l’on appelle des “pensées automatiques”, pensées instinctives positives (bienveillantes) ou “négatives” (jugement) qui sont elles-mêmes responsables de nos réactions émotionnelles. N’oublions pas que nos émotions conditionnent nos actions… Ces pensées instinctives ont tendance à nous faire généraliser les situations et donc à nous éloigner des faits réels précis…
Pour avoir une attitude la plus constructive qui soit et permettre à notre assertivité de s’installer, il faut opposer nos “pensées rationnelles” à nos “pensées automatiques” (principalement celles qui nous poussent au jugement de nous-mêmes ou de l’autre). Les “pensées rationnelles” sont le fruit de notre capacité à prendre du recul, à se distancier de la situation rencontrée ou projetée, à dire ou faire intentionnellement après analyse de la situation (concept de psychologie cognitive).
Remplacer nos “pensées automatiques” par nos “pensées rationnelles” ne peut se faire réellement que si nous prenons le temps de réfléchir à notre schéma cognitif, c’est-à-dire à comprendre à quoi sont reliées nos pensées instinctives (travail sur soi pour remonter “à la source”) et à les confronter avec la réalité (les faits, rien que les faits !).
L’objectif n’étant pas de “combattre” nos émotions car elles humanisent les situations, mais de “lutter” contre celles qui nous amènent à douter d’une situation, à craindre l’autre (ce qu’il dit ou fait), à l’agresser, à éviter l’échange, à réagir d’une manière excessive, à nous dévaloriser, à minimiser nos actions, voire à nous empêcher d’agir par manque de confiance en nous.
Analyser notre schéma cognitif pour renforcer notre assertivité, c’est possible !
Pour ce faire, il convient de comprendre comment notre schéma cognitif se façonne et en quoi il impacte notre niveau d’assertivité.
L’affirmation de soi est étroitement liée au niveau d’estime de soi, elle-même composée de 3 dimensions complémentaires : l’amour de soi, l’image de soi et la confiance en soi.
L’amour de soi est le socle et interfère directement sur l’image de soi et la confiance en soi : il se forge de la naissance à la période de l’adolescence en moyenne, à partir de toutes les marques relationnelles (“nourritures affectives” évoquées par Boris Cyrulnik) reçues de ceux qui nous environnent (parents, famille, amis, milieu scolaire etc…) : aide à la connaissance de soi, analyse bienveillante de nos actes, encouragements à reproduire, accompagnement à faire et à être, valorisation sous réserve qu’elle soit étayée par des faits précis, etc…
On pourrait résumer l’amour de soi par le fait de s’aimer tel que l’on est, ce qui suppose de se connaître et donc d’identifier clairement ses qualités, ses “défauts”, son potentiel, ses besoins, ses désirs, ses aspirations profondes, etc… S’aimer permet d’accepter d’être aimé… (influe considérablement sur les liens sociaux et la capacité à s’intégrer dans un groupe).
Mais cela n’est possible que si l’enfant a bénéficié de marques relationnelles dont le seul but était de le faire “grandir” et sans attendre de contreparties :
- aide au développement de sa propre capacité d’analyse des situations,
- encouragement à réfléchir par lui-même, à prendre de la distance vis-à-vis de ce qui lui est rapporté, de ce qui lui est dit, de ce qu’il observe,
- aide à l’écoute, à la compréhension et à l’acceptation de ses besoins, de ses envies, de ses aspirations profondes,
- accompagnement à viser son “idéal”
A l’inverse, si l’enfant a été enveloppé régulièrement de retours négatifs, de critiques non constructives, dévalorisantes ou mettant en doute, d’avis trop protecteurs et minimisant ses actes, et ce, par des personnes qu’il considère comme influentes (autorité posée et dont l’avis compte par dessus tout pour agir), son amour de soi sera alors fragilisé. L’enfant tendra d’une manière quasi systématique à se rapprocher de ces personnes influentes non aidantes avant d’agir ou de prendre une décision (relation de dépendance). A l’âge adulte, ces personnes seront plutôt “suiveur” que “leader”, auront tendance, entre autres, au conformisme social pour “ne pas faire trop de bruit” plutôt que d’affirmer leur point de vue, voire imagineront la tâche confiée comme surdimensionnée.
L’inné joue également son rôle : notre personnalité d’enfant peut être un facteur favorisant pour entendre mais aussi analyser les retours faits de nos actes, ou à l’inverse, être un facteur facilitateur du lien de dépendance tissé par les personnes influentes (non toujours conscientes de leur attitude, ces personnes en retirent un vrai bénéfice…).
Il est donc évident qu’un amour de soi solide favorise considérablement notre capacité à nous affirmer car en lien direct avec l’image que nous nous construisons de nous-mêmes et donc avec la confiance que nous nous accordons pour agir. Mais une carence affective, à ce niveau, entraîne indéniablement une vision de soi limitée et ne poussant pas à l’action…
En effet, l’image de soi positive (“je sais ce que je vaux”, “j’ai le droit d’être aimé comme les autres”, “je suis différent et je l’accepte”, etc…) nous ouvre le champ des potentialités. Avoir une bonne connaissance de soi nous permet de cerner ce dont nous sommes capables et aussi d’évaluer les marges de progression à combler selon nos propres objectifs et nos envies (faire pour soi et non pour les autres…). Cela nous autorise à croire en nous, à nous projeter dans une situation inconnue ou partiellement maîtrisée ; c’est le “champ du possible”. Faire preuve d’assertivité est alors signe d’affirmation de ce que l’on est, sans crainte car juste et légitime.
La confiance en soi est la résultante de ces 2 précédentes dimensions et concerne l’ensemble de nos actes. Plus notre image de nous-mêmes est positive, plus nous nous autorisons à croire en nous et à accepter des situations nouvelles : nous nous mettons donc en “route”, en acceptant les risques de l’échec partiel ou total, qui ne mettra pas à mal la façon dont nous nous percevons. La non réussite éventuelle sera analysée et la digestion de l’échec sera rapide. Les personnes confiantes passent rapidement à autre chose, et il leur est plus facile de se remettre en cause puisque cela n’est pas assimilé à une remise en question ! Avoir confiance en soi permet donc l’assertivité.
En conclusion, 3 conseils clés pour développer son assertivité
- Prendre le temps de comprendre nos modes de fonctionnement, nos croyances, nos stratégies, les jugements que l’on porte, les relier à des évènements précis et factuels, prendre du recul sur ce que l’on fait, ce que l’on dit, écouter nos émotions, etc… permet d’appréhender notre schéma cognitif et de mieux identifier nos zones de fragilité qui peuvent, selon les situations, rendre difficile notre assertivité.
- Identifier les personnes influentes qui nous entourent (ou nous ont entourés) et cerner le sens de l’influence : est-ce qu’elle nous aide à avancer ou, finalement, limite nos actes autonomes et réfléchis ? (impact sur l’image de soi et la confiance en soi)
- S’autoriser à agir, même avec des objectifs peu ambitieux (la fameuse méthode “des petits pas”) afin de nous mettre en situation d’action. Un acte en appelle un autre… Faire l’analyse de ce que l’on a produit, et intégrer nos capacités. Oser faire, c’est aussi défaire certaines de nos croyances et stratégies “paralysantes” et rappeler que si rien n’est impossible, tout est de l’ordre du possible !
Le mot de la fin : “La vraie liberté, c’est pouvoir toute chose sur soi” (Michel de Montaigne)
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