Comment prévenir les situations conflictuelles ?

Par Laurence PLANÇON, consultante associée, coach, médiatrice
La meilleure façon de prévenir une situation conflictuelle est de cultiver un terrain relationnel basé sur l’échange, l’écoute, la compréhension du sens de l’autre et de permettre des zones de négociation pour chacun des protagonistes.

Facile à dire, et pas si compliqué à faire…

 

« Mieux vaut prévenir que guérir » dit le proverbe : autrement dit, anticiper vaut mieux que de devoir résoudre un conflit latent ou déclaré. Le conflit ferait-il peur ? Pourquoi avoir très souvent une vision négative du conflit ?

 

Mais, qu’est-ce qu’un conflit finalement ?

Un conflit est une situation d’opposition, de désaccord, de contradiction dont l’enjeu, conscient ou non, nous oppose avec nous-mêmes ou avec autrui.

Un conflit peut être multi causal, et ne peut être dissocié de notre système cognitif et affectif, de notre environnement et d’un contexte particulier (même s’il prend sa source dans un contexte antérieur).

Il peut être intrapersonnel (conflit intérieur), interpersonnel (opposition d’au moins deux interlocuteurs), intragroupe (au sein d’une même équipe par exemple), intergroupe (entre plusieurs services) et organisationnel (lié à l’opposition suscitée par l’organisation de la structure).

 

Quelle perception avons-nous du conflit ?

La définition donnée ne peut qu’être générique dans la mesure où nous avons tous une perception très personnelle d’une situation conflictuelle latente ou déclarée (perception dans ce qu’elle nous génère et dans ce qu’elle nous procure) :

  • Si nous devions visualiser une échelle imaginaire de représentation du conflit, où placerions-nous le curseur ? Quels sont les actes, les situations, les personnes qui contribueraient à ce que le curseur monte ou descende (ou plus exactement, qu’est-ce qui ferait que notre curseur serait influencé par certains actes, certaines situations, certaines personnes, etc…) ? Finalement, à partir de quoi, de quand, voire avec qui, considérons-nous que nous vivons une situation conflictuelle (latente ou déclarée) ?
  • Qu’avons-nous à gagner dans un conflit ? Y-a-t-il un bénéfice conscient ou inconscient ?
  • Qu’est-ce qu’un conflit nous génère ? (conséquences individuelles)
  • Avons-nous souvent la sensation que « c’est l’autre qui a commencé » ? (responsabilisation)
  • Avons-nous du mal à nous remettre en cause ? (qu’avons-nous à y perdre ?)
  • Prenons-nous facilement du recul dans les situations ? (se distancier des émotions)
  • Trouvons-nous du « plaisir » à être dans l’adversité, dans l’antagonisme ? Existe-il une relation qui « joue » du conflit (accord implicite des protagonistes) ?
  • Avons-nous du mal à aller vers l’autre le premier ? (à quoi cela fait-il référence ?)
  • Est-ce que le conflit nous fait peur ? Si oui, pourquoi ?
  • Arrivons-nous à identifier des stratégies individuelles en situation de conflit ? (notion de récurrence dans l’action)
  • Quelles sont nos réactions personnelles types en situation de tension, ou de conflit déclaré ? (émotions)
  • Arrivons-nous à étayer « Notre » réalité par des faits ou est-ce que ce sont nos émotions qui ont tendance à prendre le dessus ? (processus rationnel ou émotionnel ?)
  • Est-ce que accepter la réalité de l’autre nous donne le sentiment de perdre la face ? (problème d’image de soi)
  • Voyons-nous le conflit comme une ouverture constructive d’une relation mal partie ?
  • Arrivons-nous à considérer une situation conflictuelle dans son unicité dans la mesure où chaque situation est distincte des autres, de par son histoire, la nature des relations en jeu, les émotions véhiculées par les uns et les autres, etc… Ou, au contraire, avons-nous tendance à avoir les mêmes croyances, à reproduire les mêmes mécanismes, les mêmes réflexes de protection ou d’agressivité, par rejet de la situation conflictuelle ?
  • Etc…

Cette liste non exhaustive de questionnement à avoir sur notre représentation d’une situation conflictuelle nous donne des indicateurs non négligeables non seulement sur notre manière de vivre une situation conflictuelle, mais aussi sur notre volonté et notre capacité à prévenir cette situation… La dernière question d’une longue liste possible pourrait être « ai-je réellement envie de prévenir ou est-ce que je préfère guérir ?… ». Autrement dit, « ai-je intérêt à anticiper le conflit ou est-ce que je peux trouver un intérêt valable à ce que le conflit se déclare, en prenant le risque d’une réaction émotionnelle en chaîne ? ».

Les réponses ne peuvent être qu’individuelles. Elles évoluent avec le temps, de fait avec les expériences conflictuelles et la volonté de s’améliorer avant d’améliorer les autres ! (pure utopie pour la dernière, il faut accepter de n’avoir aucune influence réelle sur la volonté des autres à changer si l’on veut que le changement soit durable et efficient…).

Le piège : une réaction conflictuelle ne correspond pas toujours à la situation de l’instant. Elle peut cacher un conflit latent depuis des jours, des semaines, mois ou années, avec même parfois d’autres acteurs en ligne de mire… Vous devenez le catalyseur et par votre posture (rôle, statut, comportement) donnez une ouverture à l’autre pour l’expression de son désaccord !

 

Les principales raisons des situations conflictuelles ou simplement de tension, peuvent avoir 3 sources possibles :

  • Les oppositions dans les besoins individuels : contradiction de ses propres besoins ou opposition entre nos besoins et ceux de l’autre dans une même situation
  • Des valeurs opposées : jugement porté sur les valeurs de l’autre ou sentiment d’être jugé sur ses propres valeurs (nos valeurs peuvent être associées à des croyances fortes et ancrées pour lesquelles on réagit généralement vivement lorsqu’elles sont « attaquées » ou mises en difficulté)
  • Des décalages entre le rôle que l’on joue et ce que l’autre attend de nous à ce moment là pour répondre à ses besoins par exemple (en fonction des contextes, des personnes en présence, des enjeux, des objectifs, nous avons tendance à adopter un rôle manifestant certains comportements associés ; certains ont une capacité « schizophrénique» plus développée que d’autres…)

Attention ! Ce qui est verbalisé ne correspond pas toujours à la cause réelle du désaccord. Un conflit de besoin peut masquer un conflit de valeur et inversement. A vous de creuser pour chercher l’authenticité de la tension.

 

Et la solution alors ?!

Une solution commune, qui permet à la fois de « prévenir » et de « guérir », est l’adoption d’un comportement relationnel constructif, car prenant en compte l’expression de la vision de l’autre dans toute sa dimension (prendre en compte n’est pas aller dans le sens de l’autre, mais uniquement en accepter la raison d’être et l’utilité pour l’autre).

 

« Dans tout conflit, aucune solution n’est possible si chacun des adversaires est incapable de prendre sérieusement en considération le point de vue de l’autre. »  Bruno Bettelheim (1903-1990)

Puisque nous sommes dans une réflexion préventive au conflit, reprenons la citation de ce célèbre psychanalyste et appliquons là à toute situation d’argumentation, de résolution de problème, de négociation, de simples échanges de points de vue : aucune compréhension n’est possible si chacun des partenaires dans l’échange est incapable de prendre en considération la perception de l’autre, sa représentation du contexte, ses valeurs, ses perceptions sensorielles, ses modes de pensée, sa projection dans les mots échangés, dans la forme du message, dans le langage non-verbal véhiculé, etc…

Ce qui est valable pour nous, est donc valable pour l’autre … Alea jacta est !  Ces décalages de perception d’une situation sont la source des terrains conflictuels.

En clair, comprendre que notre vision du monde, notre « réalité », ne peut être celle de notre interlocuteur… Nous avons une vision très personnelle de ce que l’on vit. Nous sommes aujourd’hui tels que nous nous sommes construits à travers nos apprentissages, nos histoires de vies, la culture que l’on nous a inculquée, nos relations sociales, nos expériences avec leurs réussites, les stratégies que nous avons mises en place, nos croyances (croyances et stratégies s’auto-alimentent), nos modèles d’interprétation et de références, mais aussi avec nos frustrations, nos peurs, nos déceptions, nos déficiences, etc… La façon que nous avons eu d’appréhender nos expériences, détermine celles à venir.  Plus nous sommes ancrés dans nos « programmations », moins nous sommes enclins à accepter la vision de l’autre. Notre processus mental nuit à toute objectivité !

 

Conseils pour prévenir les conflits

 En synthèse, la meilleure façon de prévenir une situation conflictuelle, c’est :

  • accepter que notre perception d’une situation n’est pas transposable à l’autre, ne pas vouloir imposer à l’autre « Notre » réalité
  • faire de nos différences d’appréciation des situations un objectif d’échange constructif
  • chercher à comprendre ce qui se passe chez l’autre en observant ses attitudes, ses comportements, ses expressions verbalisées ou non (nos comportements révèlent nos états internes, nos expressions ne sont jamais là par hasard…)
  • tenter de désamorcer et de dédramatiser la situation de tension par une posture d’écoute empathique, centrée sur l’autre, montrer l’intérêt que l’on porte à l’autre
  • accepter les réactions émotionnelles de son ou ses interlocuteurs (expression de la colère, de la déception, de la frustration, de l’opposition, de la peur, etc…) : quelle que soit la forme de l’expression, elle permet de donner le signe de l’atteinte des limites de l’autre dans son acceptation de la situation
  • reconnaître l’autre dans sa situation : ne pas juger, ne pas se moquer, ne pas vouloir décrédibiliser l’autre

Donner un véritable temps aux échanges, se rendre disponible lorsque l’on sent que l’autre manifeste des réactions d’oppositions, d’incompréhension, de frustration, adopter une forme du langage semi-directive afin de guider l’autre dans votre investigation, c’est ce contexte relationnel que vous devez proposer à l’autre.

L’écoute active, la reformulation sont les outils de base strictement nécessaires, dont vous ne devez pas faire l’impasse pour cultiver un terrain relationnel constructif. Adopter une communication positive (Communication Non Violente) est un facilitateur de compréhension, de dialogue, et de cheminement mutuel.

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